La liberté est là, sur le bord de la route,
mais vous passez devant elle sans tourner la tête.
...Ce sont les démocrates qui font les Démocraties, c'est le citoyen qui fait la République.
Une Démocratie sans démocrates, une République sans citoyens, c'est déjà une dictature, c'est la dictature de l'intrigue et de la corruption.
La liberté ne sera pas sauvée par les institutions, elle ne sera pas sauvée par la guerre. Quiconque observe les événements a très bien compris que la guerre continue de déplacer les questions sans les résoudre... Son explosion a détruit l'équilibre des dictatures, mais on peut craindre qu'elles ne se regroupent entre-elles, sans d'autres noms, pour un nouveau système d'équilibre plus stable que l'ancien, car s'il réussit à se constituer, les faibles n'auront plus rien à espérer de la rivalité des forts. Une paix injuste régnerait sur un monde si totalement épuisé qu'elle y aurait les apparences de l'ordre.
Nos ancêtres se sont servis d'une pierre tenue au creux de la main en guise de marteau, jusqu'au jour où de perfectionnement en perfectionnement, l'un d'entre eux imagina de fixer la pierre au bout d'un bâton . Il est certain que cet homme de génie, dont le nom n'est malheureusement pas venu jusqu'à nous inventa le marteau pour s'en servir lui-même, et non pour en vendre le brevet à quelque société anonyme.
Ne prenez pas ce distingo à la légère - car vos mécaniques fabriquent ceci ou cela, elles deviennent essentiellement des mécaniques à faire de l'or. Bien avant de servir l'Humanité, elles servent les vendeurs et les revendeurs d'or. c'est à dire les spéculateurs.
... Le jour où la superproduction menace d'étouffer la spéculation sous le poids sans cesse accru des marchandises invendables. Les machines à fabriquer deviennent des machines à tuer.
Il est pourtant d'expérience universelle qu'aucune perte n'a jamais guéri un vrai joueur de son vice. Le joueur vit plus de ses déceptions que de ses gains. Car à la fin du compte, la Russie n'a pas moins tiré profit du système que l'Amérique ou l'Angleterre, elle y a joué le rôle classique du parlementaire qui fait fortune dans l'opposition. Bref, les régimes jadis opposés par l'idéologie sont maintenant étroitement unis par la technique.
Le dernier des imbéciles, en effet, peut comprendre que les techniques des gouvernements en guerre ne diffèrent que par de négligeables particularités, justifiées par les habitudes, les mœurs . Il s'agit toujours d'assurer la mobilisation totale pour la guerre totale, en attendant la mobilisation totale pour la paix totale.
Un monde gagné pour la technique est perdu pour la liberté.
... La politique de production à outrance ménage aujourd'hui sa main-d’œuvre, mais la furie de la spéculation qu'elle provoque déchaîne périodiquement des crises économiques ou des guerres qui jettent à la rue des millions de chômeurs, ou des millions de soldats au charnier... Les chefs des grands trusts internationaux, les contrôleurs de marchés auxquels il faut une guerre tous les 20 ans.
Ces sortes de considérations sur la guerre révoltent les imbéciles. Je le sais. Les imbéciles veulent absolument considérer "cette guerre" comme une catastrophe imprévisible pour la raison, sans doute, qu'ils ne l'ont pas prévue.
...Et comme le imbéciles mettent le nez sur les bubons que le malade porte sous chaque aisselles et ils se disent entre-eux.
<< Comment diable ces choses violacées dont la plus grosse atteint à peine la taille d'un œuf de pigeon, peuvent-elles contenir tant de pus ! L'idée ne vient pas aux imbéciles que le corps tout entier refait à mesure cette purulence. Qu'il faut tarir la source. Et si par hasard une telle idée leur était venue, ils se seraient bien gardés de l'avouer, car ils sont un des éléments de cette pourriture . La bêtise apparaît de plus en plus comme la cause première et principale de la corruption.
En tout ce qui regarde la guerre, l’Église a de plus en plus tendance à mettre au compte de la collectivité - à s'inscrire au compte des profits et des pertes - tout ce qu'elle ne peut ni approuver ni condamner.
Cent cinquante ans après la Déclaration des Droits, les dictateurs ont faillit se partager le monde, mais ce n'est pas assez dire. Ils se vantaient d'y établir un nouveau type de civilisation, et nous voyons maintenant que cette promesse n'était pas vaine, nous jugeons l'étendue et la profondeur de la crise intellectuelle et morale que la victoire ne saurait résoudre, qu'elle aggravera peut-être. Car l'idée de liberté, déjà si dangereusement affaiblie dans les consciences, ne résisterait pas à la déception d'une paix masquée, au scandaleux spectacle de l'impuissance des Démocraties. C'est déjà trop que la guerre de la liberté ait été faite selon les méthodes totalitaires; le désastre irréparable serait que la paix de demain fût faite, non seulement selon les méthodes, mais selon les principes de la dictature.