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samedi 12 mai 2018

La vie est-elle un songe?



Grands Dieux ? En cet instant flatteur,
Si le charmant aveu qui frappe mon oreille
N'est que l'effet d'un songe séducteur,
Faîtes que Sigismond jamais ne se réveille !
Mais s'il veille au contraire, au gré de ses souhaits,
Éloignez de ses yeux le sommeil pour jamais.





D'un côté un mont escarpé, de l'autre une tour dont la partie basse sert de prison . La porte qui fait face au spectateur est entrouverte. l'action commence à la nuit tombante.
Un homme et une femme perdus dans la forêt et trempés par une pluie battante s’apprêtent à entrer dans la tour par la porte entrouverte. Ils s'interrogent mutuellement.

- Pourquoi t'élancer, t'emporter, te précipiter sans chercher une autre route que celle que nous ouvre ce bois du destin aveugle et désespéré. Descendons plutôt les pentes escarpés et tortilleuses de ce mont sourcilleux.

- Nous sommes deux qui avons quitté notre patrie pour chercher aventure, deux qui, à travers maintes folies et autant de malheurs sommes arrivés jusqu'ici, deux enfin qui avons roulés du haut de la montagne. N'ai-je pas raison de me plaindre , quand j'ai eu ma part au chagrin de me voir oublié dans le compte.

- Mais qu'allons-nous faire madame, seuls, à pieds,et, à cette heure, égarés dans ces lieux déserts quand le soleil s'en va vers un autre horizon ?
- Fuyons les dangers de cette tour enchantée.

- L'abîme voit rarement les habitants des limbes mais il est vrai que j'ai pénétré jadis au-delà de ces remparts. La terre avait depuis peu reçu ma froide dépouille, quand la cruelle Érichtho qui du sein des morts rappelait les esprits à la vie me força d'évoquer une ombre  au cercle du traitre Judas, dans ce cachot central, dernier asile de nuit., le plus reculé de la dernière enceinte des mondes. Tu peux croire  que ces routes me sont connues. La cité des douleurs qui nous est fermée baigne ses vastes flancs dans les eaux qui dorment à ses pieds  et respire à jamais leur haleine impure. D'autres paroles dont la trace fugitive échappe à mon souvenir; car la tour qui élève devant nous ses créneaux flamboyant appelle tous mes regards.

On aperçois une faible lumière, une clarté mourante qui rend encore plus ténébreux, l'obscurité de cette habitation. Je vois là un homme vêtu d'une peau de bête, chargé de fers et n'ayant pour compagnie qu'un flambeau. Le prisonnier parle.
- Seulement je voudrais savoir, pour connaître à fond mon malheur, laissant de côté, en quoi j'ai pu vous offenser encore pour me châtier de la sorte.
L'oiseau naît avec la parure qui lui donne une beauté suprême, et à peine est-il une fleur qui a des plumes, un bouquet qui a des ailes, que, d'un rapide essor, il fend les plaines de l'air, dédaignant la douce chaleur du nid maternel qu'il délaisse pour toujours. Parce que j'ai plus d'âme, dois-je avoir moins de liberté? La bête sauvage naît, et sa peau si richement tachetée, à peine est-elle devenue, sous le pinceau divin, une image des étoiles, qu'impitoyable et hardie, la nécessité de nature lui enseigne la cruauté et en fait l'épouvante du labyrinthe des bois. Et moi, avec des instincts merveilleux, dois-je avoir moins de liberté?
 Le poisson naît, avorton des vagues et des algues marines, qui ne respire pas, et à peine, bateau revêtu d'écailles, se mire-t-il dans les eaux, qu'il s'en va où il veut, mesurant l'immensité des mers  et ne reculant que devant ses profondeurs glacées. Et moi, avec plus d'intelligence, dois-je avoir moins de liberté? 
Le ruisseau naît, couleuvre qui se déroule au sein des fleurs, et à peine, serpent
d'argent, s'est-il brisé au milieu des fleurs, que par son doux murmure il célèbre la grâce du berceau embaumé que lui a donné la majesté des campagnes ouvertes à son cours rapide. Et moi, doué de plus de vie, dois-je avoir moins de liberté ?
Cette tour a été à la fois mon berceau et ma tombe, j'ai étudié, je me suis plongé dans la lecture, le savoir était ma loi. Toi seul a suspendu mes ennuis, charmé mes yeux, étonné mes oreilles. Chaque fois que je te regarde, tu fais naître en moi une admiration nouvelle.
Quand de te voir me donne la mort, ce que je souffrirai de ne pas te revoir, c'est que donner satisfaction à un malheureux c'est comme donner la mort à un heureux.
Dans ma terreur à te regarder, dans mon admiration à t'entendre, je ne sais, ni ce que je puis te dire , ni ce que je peux te demander; c'est qu'en m'amenant de ce côté le ciel a voulu me consoler.

Tu es entré ici, tu m'as répondu en excitant ma pitié, je me dis que tu ramasserais mes peines pour en faire des joies. Mais écoute, les gardiens de cette tour ont entendu que deux personnes ont forcé la porte de la prison. C'est lui mon geôlier qui a accroché ce collier de fer autour de mon cou. Aurais-je à craindre d'autres malheurs? Couvrez-vous le visage car il importe pendant que nous serons ici que personne ne nous connaisse .

- O vous dans votre ignorance avez franchi les limites de ce lieu interdit- Ne sais-tu pas que tes malheurs sont si grands que par l'arrêt du ciel on décida pour toi que nu tu resterais dans ces fers qui ont pour but de mettre à tes fureurs insolentes un frein qui les contiennent 
- Femez la porte de cette prison.

- Ah, vous faites bien de me ligoter ainsi ! je me sentirai contre vous les forces d'un géant et pour atteindre le soleil dans toute sa gloire, sur des assises de pierre j'entasserai des montagnes de marbre.

- c'est peut-être pour que tu ne le fasses pas que tu souffres aujourd'hui tant de maux. Elle s'adresse soudain au gardien.
- Puisque la fierté à ce point vous offense, je serais insensé de ne pas vous demander humblement une vie qui est à vos pieds.
Les soldats : Seigneur! elle se dénude qu'on leur bande les yeux pour les empêcher de voir d’où ils sortent. phildid