Écoute, c'est formidable! Quand j'ai entendu ta voix, j'ai eu l'impression de revivre - c'est drôle qu'on se soit rencontrés à nouveau ici après si longtemps !
Charles sortait du bistrot d'Auguste, venant de fêter son anniversaire en compagnie de quelques amis et d'une vieille connaissance, un peu guilleret, il esquissait quelques pas de danse en chantonnant un air connu. Cinq heure de l'après-midi sonne à l'église du village - à présent, il fait beau. La porte du bar restée ouverte laisse pénétrer un rayon de soleil qui glisse le long des verres alignés sur le zing en faisant comme un grand coup de projecteur dans la glace du miroir juste au dessus de l'aquarium en exposition derrière le comptoir- c'est la fierté d'Auguste cet aquarium dans lequel naviguent toutes sortes de poissons multicolores au milieu d'un décors de corail et d'une végétation fournie.
On voit souvent les clients rêver devant le réservoir à poissons, un verre à la main suspendue en l'air, les yeux voguant au dessus de l'aquarium le long des étagères vitrées, au milieu des étiquettes fleuries et colorées des bouteilles alignées comme autant d’appendices du bassin, prêtes à alimenter une soif toujours plus grande à mesure que les heures et les minute passent sur ce décors marin changeant avec la lumière tantôt brillante des matinées ensoleillées ou alors ternie par la fin du jour ou bien celle électrique du soir.
Le bar d'Auguste est devenu une véritable institution dans le village. Situé au coin de la rue Marceau à cheval sur la rue du chat qui pèche, il fait face à l'église au fond de la place du marché tel un phare rouge aux milieux des grands platanes. C'est devenu le port d'attache des vieux parieurs, ceux qui suivent avec attention les petites lignes du journal étudiant les côtes des turfistes. Sont là aussi, le fourgon garé dans un sens ou dans l'autre, les artisans qui gobent le Ricard en vitesse sur le bar. Des femmes seules entrent acheter ou feuilleter un magazine un gosse ou deux à la main. C'est la vie, le doux ronron de la petite machine à laver les verres qui souffle, le percolateur qui fume, deux habitués juchés sur les hauts tabourets tapent une belote de comptoir avec la patronne qui rêve au loin de vacances dans les îles, sous l’œil amusé d'Auguste qui remplit les p'tits blancs secs à ras bord comme le veut la coutume.
Charles qui tenait Marie par le bras, les yeux un peu vagues lui demanda:
- Marie, mais dis-moi. Çà fait combien de temps ?
- Tu sais, après le Canada je suis revenue ici parce que ma grand-mère y avait sa maison, j'y venait très souvent en vacances quand j'étais petite. D'un geste Charles entraina Marie à l’intérieur, ils s'assirent à une table libre prés de la fenêtre- Charles commanda une nouvelle bouteille de champagne.
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