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mercredi 18 octobre 2017

L'angoisse de la vie le choc




Ma chère Béatrice, j'ose espérer que tu m'accordes toujours ce droit de t'appeler ainsi.


Tu me recommandes encore au grand Sénèque et je t'en sais gré, cela me réconforte bien sûr mais le mal était plus profond car je commençais à m'abîmer dans l'angoisse. 

Quand j'ai vraiment découvert Roland çà été la révélation. C'est un peu comme Anton Pavlovitch Tchekhov ou Tchekov (en russe : Антон Павлович Чехов), né le 17 janvier 1860 ( 29 janvier 1860 dans le calendrier grégorien) à Taganrog ...expliqué.







A  la fois empli de bouffées d'anéantissement et de désirs inassouvis, j'essaye en vain de combler ce vide qui dans cette sorte d'hypnose devient une suggestion.
Elle me commande de m'évanouir sans me tuer. Tu as bien connu j'en suis certain cette absence qui met en scène l'absence de l'objet aimé. Cette petite voix qui te dit- Je suis moins aimé que je n'aime.

En situation normale, presque tout le temps nous supportons plutôt bien cette absence que nous jugeons même comme nécessaire. Ces instants de profonde solitude sont même une des conditions de l'oubli pour notre survie.

Dans cette attente permanente, nous mettons en place une mémoire, un désarroi.
Nous soupirons dans cette émotion d'absence, elle devient vite un embrasement d'images que nous manipulons à loisir. Nous sommes coincés entre deux temps qui produisent un nouveau langage, et nous sommes comme l'enfant plongé dans son jeu ( Le langage nait de l'absence).

Nous transformons cette absence en pratique active aux rôles multiples (doutes, reproches, désirs, mélancolie). Arrive alors la frustration et son cortège de visions plus folles les unes que les autres mais qui s'organisent devant notre esprit de manière tout à fait raisonnable dans une tension pleine d'énergie. Tout ce que je fais semble avoir un sens dans ce long tunnel au sortir duquel j'espère revivre l'éblouissement premier qui fut comme le premier flash.Ce que j'ai affirmé une fois, je puis de nouveau l'affirmer sans le répéter. C'est de la drogue dure, je veux son retour. Je dis- Recommençons.

Et ainsi l'on s'épuise, ce qui était hier adorable se transforme en portion à garder ou à perdre, des traces qui s’effacent et l'on finit par opposer à cela: "ce qui ne va  pas".
C'est maintenant le dilemme de la réussite ou de l'échec: Réussir ou échouer . Les figures de mon discours me viennent comme des coups de dés.

- Vite, le présent nous rattrape. Il faut nous atteler à telle ou telle tâche et nous voilà bientôt attablés devant une tâche inutile qui nous fait faire discrètement des choses folles en sourdine. Avec la fatigue nerveuse, le corps s'épuise rapidement et l'on voit soudain la bonne image s'altérer, et se renverser. l'image s'efface progressivement, se dénature, on sort de l'hypnose défasciné avec la douleur en plus.

C'est une image mesquine: elle me montre l'autre pris dans la plénitude du monde. Je le vois dans la conversation s'agiter, se multiplier, se mettre en position de demande à l'égard d'un tiers; nous voilà donc encore plus affolé et nous nous enfonçons encore plus devant lui dans une demande de plus en plus irréaliste augmentée par un sentiment de jalousie qui nous pousse à contre cœur vers la surenchère, un quémandage de ce qui serait censé nous appartenir de plein droit, nous nous emplissons de visions de commères et de vilains crapauds.
- L'horreur abîme plus fort que l'angoisse de perdre.

L'angoisse de la vie, d'inquiétante étrangeté, dans laquelle notre double se serait évaporé en nous laissant seul dans le vide sidéral. Ce mode déficient de la préoccupation, cette modification qui va si l'on n'y prends garde, nous entraîner vers les profondeurs du désenchantement de l'épuisement qui va nous fissurer pour ensuite s’effondrer dans un abîme Lovecraftien qui s'élèvera comme le froid de la ciguë.

Nous tenterons bien sûr, dans un dernier recours, d'annuler le sujet aimé, d'en faire le deuil. Nous sacrifierons l'image sur l'autel de l'imaginaire tel un objet empaillé, une baudruche. On s'estimera heureux en rabaissant l'autre. Il est pourtant certain que si nous ne sombrons pas, nous en serons réduit aux reproches de culpabilité et d'abandon, nous obligeant à souffrir au moindre affect. Le sujet se sentira alors coupable de ceci ou de cela en se punissant, se donnant mille raisons de l'être et l'on s'abîmera encore et encore et l'on voudra prendre l'autre pour témoin de notre propre déchéance. Dresser devant l'autre la figure de notre propre disparition.

Nous voilà réduit à l'attente, d'une arrivée hypothétique, d'un retour, d'un signe. Nous organisons cette scénographie de l'attente, la manipulons, la découpons. Cela se joue comme une pièce de théâtre. Un scénario qui se termine automatiquement par l'angoisse.
On passe de l'absence à la mort. Bien sûr, il y a différentes options n°1, n°2, n°3 etc...mais au bout du compte le résultat final est toujours le même malgré le nombre de diversions que l'on aura apporté. L'attente est un délire. Lorsque nous sommes de nouveau en présence de l'être aimé, on se demande bien maintenant si l 'on doit se déclarer ou plutôt cacher son trouble. Quelle degré de publicité allons-nous donner à ce trouble ?

Comment allons nous nous sortir de ce double discours qui voudrait rassuré ou bien plutôt inquiéter, alerter. Tout cela risque d'étouffer l'autre. Mais si je veux alors son bien en l'épargnant je ne puis que me faire du mal. Alors que faire, doit-on continuer ainsi à embrayer les chapitres d'une désillusion qui nous mènera fatalement à la folie, à notre perte ?

Bien sûr que non ! ramenons-nous tout d'abord vers une sorte d'auto-dérision. Une bonne relecture de Roland Barthe et de ses fragments amoureux nous fera rire de notre propre bêtise. Cette lecture agira, je vous l'assure comme un antidote. Vous n'êtes soudain plus seuls, d'autres sont passés par là avant vous.. Mettez donc votre désir aux pieds d'une nouvelle réalité.

Allez, rien n'est meilleur à l'âme
Que de faire une âme moins triste !
(Verlaine)