Un jour un grand
peintre, perché sur son échafaudage, commença à reculer pour avoir une meilleure vision de la fresque qu'il venait de terminer.Encore un pas et il serait tombé
à la renverse, et comme l'avertir d'un cri eût pu être fatal,
son élève eut la
présence d'esprit de jeter le contenu d'un seau sur le chef-d’œuvre.
Très drôle! Mais il
aurait été encore plus drôle de laisser le maître en extase reculer dans le
vide-alors que les spectateurs attendaient en fait le seau.
L'art de la
caricature, tel que Rex le concevait, était ainsi fondé (ne parlons pas de son
caractère synthétique ni de la duperie au deuxième degré) sur le contraste
entre cruauté d'une part et crédulité d'autre part.
Et si, dans la vie
réelle, Rex passait sans bouger le petit doigt à côté d'un mendiant aveugle,
tapant joyeusement sa canne, sur le point de s'asseoir sur un banc couvert de
peinture fraiche,
c'est tout simplement
qu'il était en train de s'inspirer pour son prochain dessin.
Vladimir Nabokof
-(Rire dans la nuit) p 129 et phildid