samedi 17 décembre 2016
Le roi la reine et le valet
Mairie de N ancien château du baron de N
- Demande d’élucidation des mécanismes des servitudes volontaires. Suivit de la distribution des dossiers aux fonctionnaires du village.
Nous nous sommes rencontrés sur le rivage par une journée pluvieuse de Mai. Je vous avais devinée au loin. Je savais que c’était vous car j’avais depuis bien longtemps imaginé une rencontre, je m’y étais préparé en contemplant votre image sur une vieille photographie - J’étais si sage! En fait, je redoutais de vous aborder, j’avais peur de vous parler - cette conversation je préférais l’envisager comme je vous avais envisagée, vous.
Mes dernières pensées s’étaient arrêtées à vos pieds sur le plateau du jeu près de vos chevilles. J’avais renversé par défi, un pion, comme un pari un peu fou d’engager avec vous une partie. Nous serions alors réunis emprisonnés ici même dans cette tour, face à face, soumis aux mêmes règles déjà instituées depuis des temps immémoriaux.
La scène était légèrement illuminée elle révélait déjà certaines parties du jeu. Aujourd’hui encore je perçois toujours cette luminosité de cristal, les mille facettes de leurs contours qui brillent, jaillissent, en se décomposant dans la lumière.
J’ai accepté de rompre le silence de me laisser bercer par les illusions, pas des hallucinations : Des fragmentations - les facettes du cristal ont brillé de plus en plus fort. Elles ont éclaté en mille morceaux, des particules froides presque glacées projetées dans l’univers.
Un visage à l’intérieur d’un écran de rêves a bougé au milieu des autres pièces de l’échiquier.
- Ce ne sont pas des personnages, même pas des animaux, juste des choses me direz-vous ?
Mais au lieu de penser à des choses il faut plutôt penser à des possibilités et pourtant il y a là quelque chose d'étonnant et de magique devant tes yeux, mais alors qui ou quoi choisit entre les possibilités pour que le propre événement se produise. Nous ne pouvons pas simplement oublier l'observateur, un monde insensé étrange de particules quantiques et de leurs réactions, une symphonie de couleurs, de sensations pures.
- Quand mes doigts froissent ta peau de papier de soie, si…douce, si délicate !
Allons danser sous le couchant comme deux amants enlacés. Tu flottes, tes pieds sont couverts de boue. Dans l’air, des trompettes accompagnent les mouvements de ton corps.
C’est si beau de pouvoir te contempler
dans ce jour qui n’en finit plus.
Tes mains fines caressent mon visage.
Nous-mêmes sommes devenus des possibilités.
Elles glissent à la surface flottante du jeu,
entre les cases noires et blanches
ou blanches et noires.
La musique est électromagnétique.
C’est un tourbillon de sons enrobé du miel suave, salé sucré.
Des vagues, dans un décor à l’intérieur d’une symphonie.
Une mer ancestrale qui aurait vu passer des générations entières de flots tumultueux.
Sur la fente de sa gorge, s'écoule entre les monts olympiens un liquide suave et épais. La nature insoumise roule des flots d’écume - La main se déplace de haut en bas pour graver les mots sur la surface de son ventre. Ce sont des poissons vivants, glissements et caresses, délices et plaisirs de la chair au milieu des autres déesses à peine visibles voilées dans l’ombre du soir qui vient enfin.
Cette musique est si envahissante, qu’il faut chercher, puiser, trouver la poésie dans les éclats de mots sans suite, au coin de sa bouche d’où s'écoule le liquide entre les lèvres humides. Dire, sourire, décrire. Cela veut être quelque chose.
- Ce qui se donne ! dénudé des mauvaises pensée.
vers l’oubli des sens qui ferrait loi au milieu du chahut de la nuit; de tous ces corps étrangers répandus allongés sur des couches. La partie continuera avec ou sans nous, pour jouer, rejoignez les. N’ayez aucun regret d’un pseudo échec.
Ce matin là, tu ne te sens plus seule. Tu n’as pas invoqué Dieu ou n’importe quel flacon d’ivresse pour jouir des instants de plaisir. Tu ne t’es pas non plus comportée en esclave. Le bonheur est une ronde de tambours avec pour gardien, le grondement bienfaisant d’un orgue céleste. Une musique que l’on avait probablement entendue avant d’être oubliée avance au devant de nous. On la découvre comme une statue vierge encore de tout regard, dégagée de son drap.
- Je veux te parler de ce que m’a dit la muse.
Un jour Baudelaire envoya une lettre à Richard Wagner louant sa musique, son prélude à Tristan et Iseult. Alors, c’est en t’écrivant ces paroles, à toi la rêveuse que je dédie ce matin.
- Un matin entre tous les matins du monde.
- Ouvre moi ta porte, promènes-moi au dehors même si le temps est gris.
- les oiseaux siffleront pour nous deux un air de fête.
- À ton bras tu serreras un ami.
- En plongeant dans le passé de tes souvenirs
tu renaîtras dés aujourd’hui au présent de la vie nouvelle.
- N’aie plus peur de l’avenir qui se jette à tes pieds.
L’air du dehors s’était si considérablement réchauffé, le soleil en avait chassé les gros nuages gris. Après cette pluie prolongée de plusieurs jours, la nature exultait. Les fines branches des lilas ployaient sous le poids de leurs lourdes têtes mauves. La glycine laissait dans l’air un lourd parfum suave.
Sur les bas-côtés du chemin, les chevelures des hautes herbes ondulaient, toutes les fleurs du printemps explosaient. Des bleuets, des pâquerettes par milliers au milieu desquelles se dressaient d’orgueilleux boutons d’or et des pissenlits aux corolles de feuilles largement ouvertes pointaient des pistils jaunes éclatants. Dans tous les arbres, les feuilles cachaient presque totalement les ramures des branches, le vent de Mai réchauffait et balayait le ciel .
Dans les pâtures, vaches moutons paissaient / une brise légère emportait la buse / les pensées dans les arbres / les oiseaux mâles s’activaient à bâtir le nid dans lequel la femelle viendrait bientôt battre des ailes pour en éprouver la solidité avant de s’accoupler et de couver les petits.
- Ah !!! Dame Nature, tu resplendissais, avec tes villages aux creux de tes saintes collines en forme de mamelles joyeuses.
Partout ou l’œil se posait, ce n’était que plaisir et volupté: Ici, une petite chèvre grimpe sur un tronc couché. Là, des moutons mâchouillant l’herbe grasse. Plus bas, vaches rousses et petits veaux / Un cheval blanc aux yeux bleutés te regarde prés de la barrière. Il boit l’eau claire de la mare. C’est là, dans une vaste allée bordée de marronniers majestueux avec leurs cônes blancs fleuris plantés comme des candélabres,
Revêtu de mon costume de valet j'entrevis alors les remparts d’un imposant château avec son pont-levis baissé et au dessus des grands battants du portail, les pics suspendus de la herse.
Franchir l’entrée, passer sous la voûte. Arriver au pied d’une vaste place dallée de carreaux de marbre, des personnes costumées sont là qui flânent en discutant sur les carreaux disposés en damier, les plus foncés quelque peu rougeâtres, les deux couleurs sont veinées de noir et de blanc.
On entendait partout de la musique. La cour du château ressemblait à un grand échiquier, avec une partie sous les remparts pour ainsi dire jusqu’au milieu pratiquement déserte. c’était seulement lorsque l’on se rapprochait du centre que l’on distinguait des personnages. Tous étaient nus.
On voyait tout d’abord des gardes alignés sur une première ligne compacte dans laquelle régnait la plus parfaite parité. Chacun et chacune vaquait à une occupation sans toutefois donner l’impression d’un labeur excessif. Un couple de cavaliers homme femme vint à ma rencontre. Semblables à deux amazones sans arme, ils m’invitèrent à les suivre: Je fus ainsi présenté au roi et à la reine trônant majestueusement dans le plus simple appareil .
Le roi me souriait, il n’avait point de couronne mais un simple tatouage ornait le dessous de son sein droit ou il était écrit en lettres gothiques « The King.». La reine elle-même en portait un également sur le bas ventre. La belle écriture de « The Queen » couronnait le haut de la toison de son sexe. Dorée était sa chevelure aux courtes boucles.
Hébété, ne sachant que dire faire ou penser, je tombai à genoux aux pieds du couple royal en baissant la tête. La reine se leva, vint me prendre les mains pour me relever, je sentais sa poitrine sur mes cheveux. Le roi me souhaita la bienvenue.
- Qui que tu sois chevalier, soldat ou simple pèlerin, soit un hôte dans notre royaume
- Va et vient comme il te semble, repose-toi et profite de la vie.
Ainsi ici, dans ce château, le monde semblait aller et vivre librement sans armes, que même les vêtements avaient été abandonnés. Le roi et la reine me sourient. Le monarque se lève, il prend solennellement la parole, il dit.
- Nous ne sommes plus en guerre, nous avons là une rivière qui coule pour tous nous abreuver, nous et nos bêtes, elle irrigue de plus nos champs et nos pâtures suffisamment pour subvenir à nos besoins en nourriture. Tu peux constater par toi-même que la température est d’une douceur extrême et que nous avons laissé là nos haillons et nos armures remisés pour des temps futurs plus froids. Redécouvre tes frères d’arme, ces compagnons de route bienveillants qui ne t’on jamais abandonné
. ils te chuchoteront à l’oreille.
- Non, toi non plus, tu n’es pas seul.
La reine étira ses bras vers le ciel, laissant la brise caresser ses aisselles. Les bouts de sa poitrine ressemblaient à des framboises dorées par la rosée. A ses pieds s’ébattait un couple de petits fous. le roi interrompit leurs jeux amoureux, les invitant à m’accompagner jusqu'à une tour du château.
- Va, restaure-toi, et prends tes quartiers jusque demain.
- Ne pourrais-je pas rester quelques jours phildid ?