Le bras
de Youssef se leva, la main calleuse qui serrait le gros maillet de bois resta
un moment suspendue en l'air. Cinq heures du soir sonnaient à l'église du
village, on était fin octobre, il faisait encore très beau. La journée de
travail de Youssef se terminait, il aimait ce moment de relâchement quand son
regard se tournait vers la grande baie vitrée de l'atelier,et qu’il regardait
les feuilles tourbillonner dans les airs tournant sur elles-mêmes en descendant
doucement.
A les regarder ainsi, l'esprit se détache du temps présent, vogue, remonte vers la crête de la vague,
reste un temps suspendu au moment sans doute ou par manque d'eau l'arbre
choisit d'ouvrir les ramures des tiges qui maintiennent ses feuilles et de les
libérer, en quelque sorte ; c’est son étouffement qui provoque cette
libération pour lui permettre de continuer à vivre, ainsi il sacrifie une
partie de lui-même pour survivre. Les feuilles tournicotent encore un moment
dans le vent et puis elles aussi iront s'écraser sur le sol, changeront de
couleur, se transformeront lentement en une bouillie informe et nourriront
l'arbre à leur tour. Youssef rêve en regardant la chute des feuilles, il songe
en rangeant ses gouges, les alignant soigneusement une à une sur le grand
établi. Il pense au chemin parcouru, ancien charpentier de marine, il fait à
présent partie des "OHQ" (Ouvrier, hautement, qualifié) de
l'entreprise d'Auguste, compagnon ébéniste depuis l'âge de quinze ans, il a
parcouru toute la France et même quelques pays européens. Aujourd'hui il trône
avec quelques rares privilégiés comme lui dans cet atelier aux formes
futuristes entièrement bâti en bois, symbole du renouveau artistique qui
devient peu à peu la marque d'Auguste. Ce bâtiment amiral situé en dehors de la grosse unité de
production ou le bruit et la fureur des machines règnent: Les dégauchisseuses,
déligneuse, l'imposante "quatre faces" les mortaiseuses, défonceuses
et autres perceuses à colonnes.
Youssef commande une petite unité de cinq compagnons qui officient uniquement manuellement, pas de machine, ni de fureur ici, chaque coup de gouge de vrille ou de maillet est mûrement réfléchi. De fins tenons et chevillages sont réalisés de main de maître, on fait des placages aussi avec des bois précieux pour en faire d'admirables marqueteries. En plus de l'équipe, Youssef a trois apprentis sous ses ordres qui deviendront à leur tour un jour des compagnons.
Une fois les outils rangés proprement et le nettoyage de l'atelier supervisé Youssef endosse une veste de" bleu" propre, en sortant de l'atelier il respire d'aise et c'est avec une grande fierté qu'il se rend comme chaque soir, sur le chantier de sa future maison. Pourtant, est-ce l'automne qui s'annonce ou ce ciel d'octobre un peu froid, ou bien la fête des morts des chrétiens qui approche, il ne sait pas, le doute l'envahit peu à peu, pourquoi ?- Une femme gentille l'attend, ses deux enfants, un garçon et une fille réussissent bien à l'école, ils aiment leurs parents. A ce moment précis il ne peut dire ce qu'il ressent vraiment. La radio dans sa voiture crachote son quotidien de mauvaises nouvelles, un jeune homme est mort pour une sombre histoire de barrage, cela aurait pu être son fils.
Youssef se rappelle que lui aussi dans sa jeunesse, il s'est retrouvé bien souvent dans ces rassemblements écolos anti-barrage, anti-nucléaire. C'est loin, mais c'est les mêmes luttes. Le paradoxe c'est que les choses ont bien changées avec l' avènement d' Internet, les très jeunes, les ados se foutent pas mal de la télé qu'ils ne consomment pas, les médias ont beau faire tout pour les attirer, ils restent rivés à leurs écrans préférés. Pourtant, certains luttent encore pour la nature, les poissons, nos rivières et le droit des petits animaux à exister sur notre territoire national. Youssef sent bien dans les yeux de ses enfants qu'ils luttent aussi en silence sans mots dire, car ils ne peuvent pas l'expliquer.
A ce propos, il rigole doucement dans son for intérieur au souvenir d'une conversation à table avec son fils à propos des "Clowns". Ça a été un moyen de parler ensemble. - Qu'est-ce qu'il en pensait de cette histoire de Clowns ? . - Et bien les "clowns" lui aussi suit cela de près mais depuis longtemps il sait que c'est un "fake". - Ah oui ! Comment tu sais ça toi ?- Eh bien ! me répondit-il, je suis allé voir directement sur le site de la police nationale. Etonnant comme réponse ma foi, on peut rester songeur devant un tel argument. Youssef a un petit sourire gêné en regardant sa femme, il se lève, range sa serviette dans le tiroir du buffet de la cuisine et sort pour fumer une cigarette. Les feuilles tourbillonnent toujours, le soleil va se coucher laissant tomber le soir.
Youssef commande une petite unité de cinq compagnons qui officient uniquement manuellement, pas de machine, ni de fureur ici, chaque coup de gouge de vrille ou de maillet est mûrement réfléchi. De fins tenons et chevillages sont réalisés de main de maître, on fait des placages aussi avec des bois précieux pour en faire d'admirables marqueteries. En plus de l'équipe, Youssef a trois apprentis sous ses ordres qui deviendront à leur tour un jour des compagnons.
Une fois les outils rangés proprement et le nettoyage de l'atelier supervisé Youssef endosse une veste de" bleu" propre, en sortant de l'atelier il respire d'aise et c'est avec une grande fierté qu'il se rend comme chaque soir, sur le chantier de sa future maison. Pourtant, est-ce l'automne qui s'annonce ou ce ciel d'octobre un peu froid, ou bien la fête des morts des chrétiens qui approche, il ne sait pas, le doute l'envahit peu à peu, pourquoi ?- Une femme gentille l'attend, ses deux enfants, un garçon et une fille réussissent bien à l'école, ils aiment leurs parents. A ce moment précis il ne peut dire ce qu'il ressent vraiment. La radio dans sa voiture crachote son quotidien de mauvaises nouvelles, un jeune homme est mort pour une sombre histoire de barrage, cela aurait pu être son fils.
Youssef se rappelle que lui aussi dans sa jeunesse, il s'est retrouvé bien souvent dans ces rassemblements écolos anti-barrage, anti-nucléaire. C'est loin, mais c'est les mêmes luttes. Le paradoxe c'est que les choses ont bien changées avec l' avènement d' Internet, les très jeunes, les ados se foutent pas mal de la télé qu'ils ne consomment pas, les médias ont beau faire tout pour les attirer, ils restent rivés à leurs écrans préférés. Pourtant, certains luttent encore pour la nature, les poissons, nos rivières et le droit des petits animaux à exister sur notre territoire national. Youssef sent bien dans les yeux de ses enfants qu'ils luttent aussi en silence sans mots dire, car ils ne peuvent pas l'expliquer.
A ce propos, il rigole doucement dans son for intérieur au souvenir d'une conversation à table avec son fils à propos des "Clowns". Ça a été un moyen de parler ensemble. - Qu'est-ce qu'il en pensait de cette histoire de Clowns ? . - Et bien les "clowns" lui aussi suit cela de près mais depuis longtemps il sait que c'est un "fake". - Ah oui ! Comment tu sais ça toi ?- Eh bien ! me répondit-il, je suis allé voir directement sur le site de la police nationale. Etonnant comme réponse ma foi, on peut rester songeur devant un tel argument. Youssef a un petit sourire gêné en regardant sa femme, il se lève, range sa serviette dans le tiroir du buffet de la cuisine et sort pour fumer une cigarette. Les feuilles tourbillonnent toujours, le soleil va se coucher laissant tomber le soir.