La conversation

Notre héritage n'est précédé d'aucun testament (RenéChar).

La loi de Tabor H. :Tout ce qui pourra être techniquement réalisé le sera nécessairement parce que on peut le faire.

Charles sortit du labo fatigué, tendu. Il enleva avec difficulté sa combinaison dans le silence le plus total du sas de protection. Songeur, un peu hagard, le cerveau en perpétuelle ébullition puis il se dirigea comme tous les autres jours vers la cafétéria de l'institut.

-« Charles…Charles…» - Une voix douce l'appelait.

Levant les yeux, il reconnut aussitôt la silhouette familière de Fatiha; un sourire se dessina sur son visage.

-« Fatiha, vous ici, comment donc! - Qu'est-ce que vous venez chasser chez nous autres pauvres chercheurs »?

Fatiha claqua une bise sonore sur la joue que Charles lui tendait, celui-ci un peu ému lui tenait les mains. 
Fatiha est journaliste à la "feuille libre": c'est une belle femme d'environ trente ans au teint ambré avec une jolie coiffure afro relevée sur le front par un bandana vert pomme avec une énorme paire de boucles d'oreilles encadrant deux pommettes saillantes qu'une grande bouche sensuelle aux lèvres charnues agitent tout le temps: Un vrai soleil cette fille.

Elle entraîne Charles par le bras vers la cafette, il se laisse faire sans rien dire appréciant ce moment d'intimité qui le sortait de sa routine austère. Très volubile, elle parle de tout et de rien, demandant tout d'abord de ses nouvelles.

La feuille libre est un journal local indépendant travaillant en étroite collaboration avec France Indé:(F.I) et France Breaking News:(F.B.N). - Charles  rencontrait Fatiha assez souvent pour des interviews dans le passé.
-« Asseyons-nous ici prés de la baie vitrée, je ne rappelais plus que la vue donnait directement sur le collège de France, c'est magnifique. La cafétéria est presque déserte à cette heure ci.

-« Alors Fatiha, racontez-moi, que me vaut l'honneur de votre visite ? »
-« Ce serait plutôt à vous d’éclairer ma lanterne Charles, vous savez depuis que nous avons appris votre retour du Canada ainsi que votre nouvelle nomination ici à l'institut, mon boss m'a envoyé direct vous rencontrer et c'est toujours un plaisir… ».

-« C'est gentil à vous Fatiha, vous me flattez, sincèrement j'apprécie».
-« Le journal m'a demandé de faire un papier sur vous, votre retour en France, vos projets, vos attentes. On a tous suivi avec beaucoup d'attention votre évolution au Canada.
 - Alors c'est quoi le futur radieux qu'on nous promet ? ».
Charles se grattait le menton pensif relevant la tête il regardait Fatiha bien dans les yeux- Cette petite était si convaincante qu'il avait envie de s'épancher un peu, mais il resta muet, ses yeux s'éclairèrent mais sa bouche resta définitivement close les lèvres serrées, il finit par articuler un "O.K" mais je ne peux rien dévoiler sur les travaux en cours, trop tôt….
Ce fut comme si soudainement, en face de la philosophie de l'absurde se dressait le monument de la science.

Ils commandèrent des boissons, Fatiha sortait méthodiquement les affaires de son sac les déposant une à une sur la table entre-eux: un petit magnéto qu'elle alluma - Une lumière rouge se mit à clignoter comme une balise. Fatiha débuta l'interview par une question directe sans faire de présentation, on verrait cela au montage.
-«Vos découvertes récentes et les progrès que vous avez réalisé avec votre équipe à Québec ont marqué les esprits de toute la communauté scientifique, votre retour parmi nous est donc une grande fierté pour le pays.Qu'est-ce qui vous a motivé à revenir ici en France aussi rapidement ? ».

-« Et bien, c'est vrai qu'en Amérique du nord j'ai pu disposer de moyens exceptionnels et d'une équipe très efficace dont je connaissais déjà un membre puisque Tara avait été à mes débuts à l’université des sciences de Lyon, ma principale collaboratrice .

Le gouvernement m'avait déjà rappelé l'année dernière pendant les événements, à cette époque nous avions formé une équipe de grands professionnels, tous des spécialistes éminents du "cerveau". J'avais pu bénéficier de tous les appareils les plus récents, les plus sophistiqués. Après six mois de travail acharné dans le plus grand secret nous avons mis au jour les identités d'un nouveau virus qui est communément appelé depuis ce jour: "La dingue de l'esprit". Ensuite la situation dans le pays s'étant fortement dégradée avec les émeutes. Le labo a été définitivement fermé, je suis retourné presque incognito au Canada ».

Fatiha eut un petit rire nerveux, elle reprit la parole.
-« Incroyable Charles, vous êtes un véritable agent secret!!! ».
Charles sourit à son tour et déclara:
-« C'est vrai qu'à cette époque, nous ne nous étions pas rencontrés, vous étiez vous-même il me semble très occupée. Je vous avais vu plusieurs fois à la télé  dans des émissions, vous travailliez pour F.B.N à cette époque n'est-ce pas? ».
-« Oui, çà a été un début d'année très mouvementé, mon boulot à la télé n'a pas duré longtemps, je suis revenue au journal depuis »

L’interview n'avait pas encore débutée, les heures avaient passées, la nuit tombait sur Paris et la façade du collège de France était maintenant merveilleusement illuminée. Ils se séparèrent chaleureusement et décidèrent de se revoir dans les prochains jours.


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