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vendredi 7 avril 2023

Charles Dugalois

Les groupes ne descendent pas les uns des autres, ils s'incluent les uns dans les autres

Comme convenu Fatiha revint voir Charles quelques jours plus tard. Charles lui fit d'emblée part de son incapacité à lui révéler la finalité de ses travaux en cours, d'ailleurs il avoua ne pas savoir lui-même où tout cela allait le mener - Bref il préférait, si Fatiha le voulait bien, parler de son sentiment actuel par rapport à la science.
- « Dites-moi Charles, la science conquiert nos esprits et ne gagne pas vraiment nos cœurs. Si elle sait se faire admirer, on ne l'aime pas encore. »

- « Vous avez raison Fatiha, c'est une belle créature qui sait mettre la main à l'épée. Elle a conquis une belle renommée en voulant de tout temps au travers des siècles dompter la nature.
Elle accomplit des exploits brillants qui nous donnent un sentiment de liberté et même parfois d'invincibilité. Pourtant je dis tout haut et je clame avec l'aide du grand Dosto:
Que vaut la liberté, si cette liberté se vend au prix du pain.
- « Voyez-vous chère Fatiha, nous vivons dans un monde sur-expliqué qui n'a jamais été autant expliqué par la science et que cela n'induit pas du tout à la compréhension et encore moins à L'épanouissement. »
- « Je vous trouve bien pessimiste Charles, si je vous comprends bien la science serait un miroir aux alouettes, une sorte de serpent qui se mord la queue. »
- « Ne soyons pas réducteur, j'ai toujours foi en la médecine et en sa capacité à aider le plus de gens possible à mieux vivre ou à vivre plus longtemps mais je ne crois pas en l'homme augmenté, l'homme qui n'a plus les pieds sur terre et qui observe notre terre en s'en éloignant toujours plus. Je ne veux pas rentrer dans les détails d'une conversation hasardeuse, je dirai juste à ce propos en qualifiant cela de divorce entre apparence et réalité.
- «  D'accord, trois fois d'accord avec le fait qu'un père ingénieur réalise chez lui à l'aide d'une imprimante 3D une prothèse de la main pour son fils handicapé, le transformant en quelque sorte en super héros mais pas d'accord pour qu'une bande de biologistes apprentis sorciers se fassent la main sur le vivant au mépris de toute éthique morale et scientifique. Tout cela au nom de la science et d'un futur qu'on nous promet radieux, de plus la plupart de ces biologistes sont tous des ingénieurs, des techniciens: Cela devrait vous rappeler une chanson fameuse de notre regretté Boris V. Et j'ajouterais aussi en parfait accord avec ce que disait déjà Hannah Arendt - Que :
" Depuis le 17ième siècle, le savant a remplacé le langage commun par le langage parfait codifié universel des  mathématiques". Et pour elle çà change tout, car le savant va avoir un instrument de communication qui ne sera plus celui du profane. Donc cette sphère de la science va s'éloigner du politique, va s'éloigner de la pluralité, va s'éloigner des questions éthiques  et devenir une forme de bulle à part entière et autonome  perçue par la science de plus en plus fragmenté et c'est de plus en plus difficile de s'accorder sur ce qu'on veut de ce monde là.

- «  Charles, tout le monde connait vos convictions et vos prises de position en faveur de l'écologie et de ce qu'on appelle désormais: Le développement durable. Ou en êtes -vous aujourd'hui ?»
- «  Parler de développement durable est un euphémisme, je dirais qu'on est dans une ambiguïté - On veut un monde propre quelque part et pour que ce soit propre, joli, visitable, rando-nable quelque part, on accepte que ce soit pourri ailleurs; la nature est déportée dans les parcs. Le rapport qu'on a de nos jours avec la nature est un rapport de confort, un usage de confort du monde ou on déporte au loin les inquiétudes qui comme vous n'êtes pas sans le savoir finissent par nous revenir comme des boomerangs et nous pètent à la figure. »

- « D'après -vous, on serait dans une sorte d'esthétisation...? »
- « En effet, il y a une esthétisation de la plante - On met des oliviers au milieu des ronds points, il faut qu'il y ai des fleurs partout et tout le temps. Les arbres en ville, c'est un truc moderne. Regardez, en hiver on allume les guirlandes de Noël et puis quand elles sont éteintes on remet des pensées dans les bacs- C'est sans fin, comme une fête perpétuelle qui veut atténuer la dureté de la vie urbaine.
Cette écologie là n'a rien à voir avec la Nature, quand je vais en Allemagne en Westphalie, je suis toujours surpris par la taille des Zoos qui sont toujours de plus en plus gros et hyperréalistes donnant une illusion de la représentation d'un monde perdu, une illusion de nature en totale contradiction avec l'univers de béton et d'autoroutes qui les entourent. C'est une pure esthétisation du monde dans laquelle on est censé se ressourcer.
- « Qu'est-ce qui vous intéresse maintenant...? »
- « Ce qui m’intéresse, c'est la nature avec les gens pas sans les gens. Il faut accepter de vivre là où on est, s'enraciner - Les voyages au bout du monde pour une semaine ou deux de plus en plus vite, combien ça coûte en kérosène? C'est aberrant, on est dans un usage matériel du monde, cela implique qu'on l'utilise le plus aveuglément possible.
La distance de plus en plus grande entre ce que l'on demande au monde et ce qu'il est capable de donner, c'est un fossé exponentiel qui se creuse.
- «Tout ceci n'est pas rassurant Charles, peut-être auriez vous une dernière pensée plus positive pour clôturer cet entretien et donner un peu d'espoir à nos auditeurs ? »
- « Vous savez Fatiha, je suis persuadé qu'il y a un "Je ne sais quoi" dans l'air, c'est encore imperceptible, une sorte de grâce qui va agir sans nul doute avec brio quand elle aura pris ses résolutions. Il faut croire en sa bonne fortune et lutter contre les vents contraires -"Le ciel est bleu et la mer est déchainée" disait Gracian. En sachant qu'il faut peu de choses pour faire un homme ordinaire mais beaucoup pour faire un homme universel- La rareté de ceux-ci étant telle qu'on croit communément qu'ils n'existent pas. La science ne doit pas produire ce nouveau trans humain ce Frankenstein des temps modernes.

J'aurais pu vous parler du coup de génie de Henning et de la méthode de classification dite cladistique (La classification phylogénétique), mais je me résumerai à ceci.
"Qu'est-ce qui est en conflit avec qui ?"
"Qui coopère avec qui ?"
Avec Henning, on oublie les grades et on classe par (appartenant) uniquement.
Si vous courrez vers le bord d'une falaise, est-ce que vous tombez ou est-ce que vous vous  envolez ? Méfiez-vous tout de même des poissons volants qui arrivent dans l'autre sens (joke).
Bonne route et merci de votre écoute.

pildid à voutre écoute