« Nous trouvons la terre si confortable que nous n’avons envie ni de monter ni de descendre...un peu comme un étudiant qui a décidé de se « spécialiser » dans l’Enfer et qui se trouve limité à des recherches purement préhistoriques. Aucun paléontologiste ne pourrait vous montrer un ptérodactyle vivant. » (Arthur Machen)
« C’est seulement
du fond d’un puits qu’on voit les étoiles en plein jour » (Julio Cortazar)
- Votre patronyme ?
- Mon quoi ?
- Votre patronyme, votre identité, votre nom !
- Boulchequel
- Prénom ?
- Maurice.
- Adresse ?
- 8 rue des alouettes, Paris XIII ième.
- Profession.
- Ciseleur de j’ « aime ».
- M boulchequel, reconnaissez-vous les faits qui vous
sont reprochés ?
Maurice à peine réveillé, hébété, tremblant
de tous ses membres regardait le commissaire d’un air complètement hagard. Sorti
de son lit brutalement au petit matin
vers 5 heures, il se retrouvait menotté dans un obscur bureau de police. Il
murmura:
- Mais de quoi m’accuse t-on enfin ?
Le commissaire, levant à peine le nez de l’écran qu’il
est en train de consulter lui répondit de façon mécanique.
- Le soir du 20 Août, étiez vous bien au club
« l’abeille généreuse » ?
Maurice bégaye...l’abeille généreuse...je ne vois pas de
quoi vous voulez parlez.
- Boulchequel ne faites pas l’imbécile, nous avons déjà
analysé votre ordinateur, Babar vous a clairement reconnu, le 20 août au soir,
vous vous êtes rendu au club de « l’abeille généreuse »
- En effet, c’est possible, l’abeille généreuse est un
club très sérieux et j’avais décidé d’aller présenter mes hommages à la
comtesse de Beaulieu.
Le commissaire regarda Maurice droit dans les yeux et
déclara.
- La comtesse de Beaulieu a été assassinée ce soir là,
une caméra de surveillance vous a filmé avec un grand couteau plat à la main.
Vous êtes de plus accusé de violences et agissements sexuels sur mineures. Des
faits graves de bougonie sont également retenus contre vous. Le commissaire
chantonnait à présent doucement.
- Korè, douce comme le miel...
Maurice atterré regardait tour à tour le commissaire et
un inspecteur silencieux qui se trouvait là aussi dans son dos, il bredouillait
des phrases incompréhensibles. Le regard dur du commissaire se posa sur lui
pendant que sa voix mécanique assenait la terrible sentence.
-Vous êtes en état d’arrestation, on va vous conduire à
la huitième fosse, plus précisément à Mal bolge; vous y serez incarcéré en
attendant votre jugement.
Maurice sortit du bureau comme un automate derrière
l’inspecteur qui le tirait au bout d'une chaine par les menottes. Ils descend un long escalier
sombre en pierre mal éclairé puis traverse un tunnel tapissé de pierres
couleur de rouille pour finalement aboutir dans une fosse singulière,
concentrique creusée dans la roche, encerclée de murs et surplombée de ponts
rocheux. Il fait une chaleur épouvantable, ce grand fossé concentrique est
pareil à des fortifications externes d’un château, comme on en creusait pour la
défense des murs il y a longtemps au moyen âge. Une multitude de sentes
sillonnent la pente de cet énorme fossé
qui domine à sa base le « Pezzo des giganti » le puits des géants,
un précipice divisé en dix retranchements qui accentue encore plus l’effet de retranchement des
fortifications et comme en de pareilles forteresses, des seuils à la rives sont
des petits ponts, ainsi du pied des précipices, partout des rochers qui coupent
les remparts et les fossés jusqu’au puits ou tronqués ils s’arrêtent.
Maurice descend prudemment un petit sentier qui longe un
des fossés au-dessus du puits. Il y voit briller une infinité de flammes dont
chacune enveloppe comme un vêtement, une ombre qu’elle dérobe à la vue. En se
rapprochant, il aperçoit une de ces langues de feu se partageant comme en deux
branches vers son extrémité. Lorsqu’il arrive à sa hauteur, lui-même commence à
brûler, petit à petit, un voile de flamme l’entoure. Une des
deux ombres lui adresse la parole, ensemble ils descendent le chemin de pierres
rouges. Un peu plus loin ils s’arrêtent sous un abris rocheux creusé dans la
paroi et vont s'asseoir sur un banc de sable brûlant. Une des deux ombres parle à
nouveau: elle dit s’appeler Ulysse 87, raconte ses courses aventureuses, son
naufrage et sa mort. Ulysse87 s’éloigne et l’autre ombre s’avance en gémissant,
emprisonnée également dans une flamme. C’est le fameux comte Guido de
Monttefeltro, le premier mari de la comtesse de Beaulieu, il s’interroge sur le sort de
la Romagne sa patrie, et il lui fait le récit de ses fautes qu’il expie si
cruellement dans le fossé des mauvais conseillers.
phildid
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