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Marie-Line




L’abeille produit sa nourriture
Orphée et Eurydice de Pina Bausch, «Deuil» © Opéra de Paris



Nous sommes maintenant début mars, trois semaines ont passé, Lola ne m’a plus téléphoné, je suis allé plusieurs fois sonner à sa porte qui est restée close.  Je suis à la fois surpris et surtout très déçu que notre relation se soit interrompue comme ça, la rupture est arrivée comme tout avait commencé - Lola n’aimait pas parler, elle avait certainement voulu rompre de cette manière sans parole, sans explication ni adieux.
Fermant les yeux, je la vois une dernière fois de dos qui s’éloigne devant moi et puis qui disparaît, s’effaçant peu à peu de mon esprit.
Au même moment ma main serre un bout de papier dans ma poche, j’allais le jeter quand  tout à coup je reconnais le message de Marie-Line que j’avais jusque là ignoré. Le numéro de téléphone s’étend en grand après la signature. Je le compose machinalement, à ce instant précis je ne veux penser qu’à lui demander des nouvelles de Lola.
Marie-Line répond presque tout de suite, sa voix est agréable, un peu rauque - En ce qui concerne Lola, elle ne veut pas en parler au téléphone, je peux venir lui rendre visite si je le désire.

Alors je pars chez elle sans réfléchir, j’aurais du me rappeler de ces quelques vers de  Baudelaire dans les fleurs du mal sur « La mort des amants »

Un soir fait de rose et de bleu mystique
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot tout chargé d’adieux

Et plus tard un ange entr’ouvrant les portes
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.

Ainsi, nous vivons dans l’instant. Dans ce qui fait notre présent, nous voyons l’avenir comme une chose qui s’envisage ou le possible ne peut pas nous entraîner dans l’abîme.

Quand Marie-Line m’ouvre sa porte, je découvre une femme bien différente de celle que j’avais rencontrée la première fois. Elle a sur le visage un sourire magnifique, porte une tenue très classique, un chemisier blanc avec un pantalon droit bleu marine qui allonge sa silhouette d'une extrême minceur. Il émane de toute sa personne une impression chaleureuse et agréable- Rien à voir avec la Marie-Line fatiguée et pleureuse que j’avais vue auparavant. 
Toujours avec le sourire elle m’invite à entrer et c’est dans une ambiance très détendue que je me retrouve un verre à la main de nouveau dans son canapé. Elle s’est assise les jambes croisées bien droite dans un fauteuil à côté de moi. 
Quand je lui demande soudain des nouvelles de Lola,  son visage se ferme aussitôt et se fige, elle m’annonce calmement, un peu froidement, que Lola est partie, loin, très loin, elle n’en sait pas plus, ni quand elle reviendra.
Je baisse les yeux pour mieux accepter ses paroles. Tout à coup je remarque qu’elle porte à ses pieds les chaussures de Lola. Je reste fasciné sans bouger, le temps s’est arrêté, mon regard plonge entre ses doigts de pieds peints
- Au même moment je reçois une lumière violente dans les yeux, un grand choc lumineux, une voix d’homme sonne mon réveil au monde.
- Devant moi, sur l'écran de la télévision, je découvre un reportage sur l’Asie du sud-Est, en Birmanie je crois, parlant de la culture et de la récolte du riz dans les rizières.
La voix "off" du journaliste raconte les dangers dans ces rizières infestées de serpents vénéneux. Une femme un peu forte allongée sur le ventre par terre vient d’être mordue  par l’un d’eux, un cobra dont le venin est mortel.
Maintenant des personnes la transportent sur un brancard de fortune, elle semble endormie. Lorsqu’elle disparaît de l’image, le journaliste continue son commentaire pour expliquer que malgré les nombreux tueurs de serpents, le danger subsiste et que cette femme que le malheur a frappé ne vivra certainement plus longtemps, qu’elle décédera probablement avant d’arriver à l’hôpital.
On peut voir à présent les hommes qui frappent de leurs bâtons le serpent.
J’essaye de me rappeler de cette femme, je la cherche en fouillant...

- Dans ma mémoire comme si j’en avais un souvenir.
- Cette longue songerie s’infectât pleine  de douleur.
- Une ombre tombait sur mon âme pour me la ternir
- De plus en plus pâle, en frissonnant de l'intérieur.

- Ainsi la jouissance, le plaisir, le désir réclame
- Tout s’évanouissait dans une profonde  terreur. 
- Plongeant le corps dans un trou béant infâme 
- L’idéal du beau devenait l’idéal de la laideur.

J’aurais voulu rembobiner le film à l’envers pour la revoir.

Marilyne me toucha le bras, elle avait glissé ses jambes sous la table.
Consciente de ma faiblesse ou de ma folie, elle murmurait une mélopée en souriant.
Elle appelait cela la destinée. Sa bouche touchait presque mon oreille quand j'entendis enfin sa voix.
- « Tu sais, Lola ne s’appelle pas Lola, c’était un pseudo, en fait elle a un très joli prénom - Elle s’appelle Eurydice.

phildid
   

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